mardi 25 janvier 2011

Nom de nom

Un article de 20 Minutes aborde un sujet qui me met hors de moi : le changement de nom d'une femme lors de son mariage.
Le titre sous-entend déjà une idée fausse : "Les épouses préfèrent garder leur nom". Les épouse gardent toujours leur nom, le mariage leur permet juste d'utiliser en plus le nom de leur mari, si elles le désirent. Et les époux peuvent également utiliser le nom de leur épouse.
Je lis dans cet article : "la transmission automatique du nom de l'époux lors de l'union n'a plus force de loi comme auparavant. Selon BVA, si elles se mariaient cette année, seulement 46% des femmes accepteraient de prendre le seul nom de leur époux comme nom de famille". Encore loupé ! Cette transmission n'a jamais été automatique, en tout cas pas depuis la Révolution Française (avant, je ne sais pas). Seule la tradition l'imposait. Ces femmes qui aimeraient ne pas utiliser le nom de leur mari sont libres de ne pas le faire, même si elles sont mariées depuis longtemps. Il faudra juste qu'elles se battent contre toutes les administrations et services qui ignorent la loi.

Nul n'est censé ignorer la loi, il parait. Pourtant je ne connais presque personne qui soit au courant de ces lois qui datent pourtant de la Révolution.
La loi est très bien expliquée par Maître Eolas et le site du service public (ici et ).
La loi du 6 fructidor de l'an II stipule que "Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance" : porter ne nom de son époux est donc, quelque part, hors la loi. Les contrevenantes sont passibles de sanctions lourdes :"six mois d'emprisonnement et à une amende égale au quart de leur revenu. La récidive sera punie de la dégradation civique". L'article 4 ajoute que l'administration n'a pas le droit de vous appeller par un autre nom que le vôtre, "il est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, les prénoms portés en l'acte de naissance [...] Les fonctionnaires qui contreviendraient aux dispositions de l'article précédent seront destitués, déclarés incapables d'exercer aucune fonction publique, et condamnés à une amende égale au quart de leur revenu" (la prochaine fois que les impôts me font chier à m'appeler par le nom de mon mari, je leur envoie ce texte).
La circulaire du 26 juin 1986 rappelle également les règles en vigueur :"Le mariage n'opère aucun changement du nom des époux". Nous sommes libres d'utiliser ou non un nom d'usage, mais si on choisit de le faire, il faut en faire la demande, justificatifs à l'appui : les administrations et services qui appellent les femmes mariées par le nom de leur époux par défaut sont dans leur tort. Enfin, le nom d'usage n'a rien à faire sur les papiers d'identité : si une banque ou un employeur vous reproche de ne pas faire figurer le nom de votre époux sur les papiers d'identité, il est dans son tort.

Les questions de nom de famille des époux ne me parait pas anecdotique et ne doit pas, à mon avis, faire l'objet d'un traitement si léger dans les médias. Certes, il est important que les deux époux aient les mêmes droits et que, si l'un ne change pas de nom, l'autre non plus. Mais les questions d'identité sont, à mes yeux, très importantes aussi.
Qu'est-ce que l'identité ? On a beaucoup causé sur l'identité nationale, comme référentiel imposé ou choisi par les individus. L'identité légale sert à reconnaître les personnes. De même, l'identité personnelle regroupe les caractéristiques qui font qu'on se fait reconnaître des autres et de soi-même, à se définir. Cela regroupe nos caractéristiques physiques, notre histoire personnelle, notre tempérament... Et le nom, avec l'histoire familiale qu'il transporte, avec les souvenirs de notre enfance qui y sont attachés, fait partie de notre identité. Changer de nom revient à substituer l'histoire d'une famille étrangère à la sienne, et à abandonner une partie de son histoire personnelle passée.
Je conçois l'attribution d'un nom comme une prise de possession. En verbalisant les choses, on se les approprie. Quand un découvreur arrive sur une nouvelle terre, il la baptise. Quand un enfant reçoit un jouet, il le baptise, et il appréhende le monde entre autres en apprenant le nom des choses. Quand vous adoptez un chien, votre nom de famille apparait sur son carnet de santé. Les conquérants et dictateurs aiment changer le nom des villes et des Etats qu'ils gouvernent. A la naissance d'un enfant, on lui donne un prénom, et on choisit son nom de famille. C'est une manière de dire "c'est MON enfant", une manière de le reconnaître. Je laisse aux religieux le soin de relier ces idées aux notions de baptème et du Verbe au sens chrétien.
Dans ce contexte, changer son nom et donner son nom à quelqu'un revêt une signification particulière qui peut être violente et avilissante. Par le changement d'identité, on annihile celle qu'on était avant le mariage et on change de famille. De la même manière le père "perd" sa fille en la mariant, car elle ne porte plus son nom et ne lui appartient plus ; l'époux, lui gagne le droit de dire que son épouse est SA femme. C'est, finalement, toute la signification du mariage en tant qu'institution traditionnelle rétrograde qui ressort dans le changement de nom.

Est-il besoin de préciser quel nom j'utilise ? ;-)

5 commentaires:

  1. Ma fille n'est pas contente de porter le nom de son père mais moi je ne voulais pas lui donner le nom de MON père (celui que je porte)...

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  2. C'est difficile de choisir le nom de famille des enfants. Comment peut-on anticiper leurs désirs ? C'est une responsabilité, mine de rien.

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    1. Je porte le nom de ma mère et j'en suis fière! Elle m'a transmis son féminisme et merci a elle.

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    2. Mon compagnon et moi, avons décidé de donner nos deux noms a notre enfant. C'est tout a fait possible, de plus il aura le choix une fois adulte de conserver soit un des deux noms, soit les deux.
      En tous cas merci pour ton article, mon compagnon prend mal le fait que je désire garder mon nom de famille et ne me comprend pas, mais il est juste mal informé.

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    3. Merci pour ton commentaire !
      Il ne te comprend pas... Moi je ne comprends pas les hommes qui veulent à toute force qu'on prenne leur nom. Qu'est-ce qui motiverait un changement de nom ?

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