vendredi 21 janvier 2011

Moi, je suis pro-vie

J'apprends ce matin par un post de Sandrine sur son blog A dire d'elles qu'une manifestation "pro-vie" est prévue pour dimanche.
"Pro-vie", eux ? Mon œil, oui !
S'ils défendaient vraiment le droit à vivre, ils seraient POUR le droit à l'avortement. Comme Sandrine le démontrait il y a quelques mois, se définir "pro" quelque chose n'est qu'un procédé rhétorique douteux pour occulter un retour à un système patriarcal (enfin, un système encore plus patriarcal que celui qu'on a aujourd'hui, vu qu'on n'est pas encore sortis de l'auberge). Je ne suis pas non plus très enthousiaste à propos du terme "pro-choix", car avorter n'est pas un choix, c'est une nécessité à laquelle on ne se soumet pas de gaîté de cœur (sauf cas pathologique, mais c'est un autre problème).
Je suis enceinte de mon second enfant, et j'ai été gâteuse avec mon bidon, lors de mes deux grossesses, dès le test de grossesse positif. J'ai profondément désiré mes deux enfants et je les ai aimés avant même de les sentir bouger. Il m'est impossible d'imaginer sans horreur l'éradication volontaire d'un fœtus. D'ailleurs, je ne connais personne qui le puisse, je ne connais personne qui soit "pour l'avortement", qui trouve ça cool, qui se lève un matin en se disant "tiens, si je tuais mon bébé aujourd'hui !".
Et pourtant je suis pour le droit à l'avortement. Ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas le choix d'une autre qu'il ne faut pas le respecter. Et puis rien ne dit que dans d'autres circonstances, plus tard, je ne serai pas conduite à faire la même chose !

Défendre la vie, c'est aussi défendre les mères
Il existe un fait que les "pro-vie" choisissent d'occulter : interdire l'avortement ne diminue pas le nombre d'avortement pratiqués. D'après Callixto des Chiennes de Garde, "une femme qui veut avorter le fera, dans n’importe quelle condition, quitte à mettre sa santé ou sa vie en danger, et quoi qu’en dise la loi."
Dans le monde 68 000 femmes meurent chaque année dans des souffrances épouvantables. Interdire l'avortement ne conduit qu'à augmenter dramatiquement le nombre de femmes qui meurent ou subissent des séquelles irréversibles d'avortements clandestins.
Interdire l'avortement revient à dire que ces femmes ne méritent pas de vivre, qu'elles doivent souffrir et mourir pour expier leur faute. Jésus lui-même ne se permettait pas un tel jugement, ne condamnait pas les femmes jugées fautives par leurs contemporains à une mort atroce. Si Jésus lui-même ne se permet pas de juger et condamner un être humain, quel chrétien peut se le permettre ? Où sont la pitié, le pardon, la compassion chrétienne, lorsqu'on préfère laisser ces femmes se faire charcuter l'utérus à l'aiguille à tricoter plutôt que leur permettre d'avorter dans des conditions décentes ?
Je me considère comme réellement pro-vie. Je suis pour sauver les vies de ces femmes, parce qu'elles aussi ont le droit de vivre. On ne peut pas sauver les fœtus (en tout cas pas en interdisant l'avortement !), c'est dommage, mais on peut sauver leurs mères. Interdire l'avortement, à mes yeux, c'est se rendre coupable de non assistance à personne en danger et de complicité d'actes de barbarie.

La vraie solution, c'est la contraception
Caroline de Haas , porte-parole d'Osez le féminisme, faisait remarquer dans une interview que l'avortement "est un événement fréquent dans la vie d’une femme, même avec une contraception. Avec une moyenne de 400 cycles, il est normal qu’il y ait quelques ratés." Quoi qu'il arrive, même avec une contraception efficace, on ne pourra pas éradiquer l'avortement.
Mais on peut en réduire la fréquence, en favorisant l'accès à la contraception. Ca marche, c'est prouvé : regardez le graphique ci-contre (source). On peut encore faire mieux en permettant à chacune d'avoir accès à une contraception libre et gratuite.
Non, en France, la contraception n'est pas libre. Les femmes ne sont pas assez informées sur les différents modes de contraception qui sont disponibles, et quand elles le sont, elles sont soumises à un suivi médical lourd. Les mineures sont particulièrement mal suivies.
Et la contraception, en France, est loin d'être gratuite. A part quelques pilules dosées pour les juments, la contraception n'est pas remboursée à 100%. Si vous voulez une pilule qui ne donne pas d'effets secondaires ou un autre mode de contraception, il faut casquer, des fois beaucoup, et toutes les femmes ne peuvent pas se le permettre.
Pour sauver les bébés, ceux qui se veulent pro-vie devraient donc d'abord lutter pour que chacun ait accès à une contraception libre et gratuite, pour que toutes les grossesses soient désirées et soient ainsi conduites à leur terme. Mais les "pro-vie", sur le sujet, je ne les entends pas trop la ramener... Par contre, quand il s'agit de faire de la désinformation dans les écoles, là, il y a du monde...

C'est bien beau de pondre des lois, il faut aussi les appliquer
En France, la loi Veil a été adoptée en 1974 et promulguée l'année suivante. On pourrait croire que c'est un droit acquis. Que nenni !
Avec les fermetures de centres d'IVG, les listes d'attente s'allongent au point qu'il devient difficile d'avorter dans les temps. Couper les moyens est un moyen simple d'entraver le droit à l'avortement : vous avez le droit d'avorter, mais encore faut-il y arriver ! Tout se passe comme si on faisait payer aux femmes leur choix en leur rendant difficile l'accès à l'avortement. Dalila Touami, permanente du Planning familial en Ile-de-France résume la situation : "L’IVG demeure une tolérance, pas un véritable droit."
Récemment, trois associations ont interpellé François Fillon quant à ce problème. Espérons qu'il saura voir clair à travers la désinformation des faux "pro-vie".



P.S. : Mon post est agressif, j'en conviens. Je tiens à préciser que les commentaires sont modérés et que je ne publierai aucun commentaire insultant ou agressif à mon égard, ni un commentaire contre le droit à l'avortement (sauf s'il est rédigé de manière courtoise et présente un argument que je m'attèlerai avec délices à démonter). C'est pas juste, mais je m'en fous.

2 commentaires:

  1. en fait c'est pour ça qu'on appelle les anti-avortements des "anti-choix". J'ai entendu une femme qui parlait d'une mère d'enfant poly-handicapé "elle, elle est pour les garder". Et je lui ai répondu "non, elle n'est pas pour les garder, car cela implique alors le droit de choisir, or cette femme qui dit 'pour LES garder' ne parle pas seulement pour elle (qui a pu choisir et décider de garder cet enfant) mais pour les autres, à qui elle REFUSE d'avoir le choix.

    Le blog américain feministing avait fait un bel article là dessus, sur Sarah Palin, qui se vantait que sa fille avait choisi la vie, choisi de garder son bb (elle avait 17 ans alors) et sur elle même Sarah Palin est mère d'un enfant trisomique. Et l'article a démonté cette vantardise à la lumière du mot "choix", en disant que Palin instrumentalisait le choix qu'elle veut absolument refuser aux autres.

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  2. Bonsoir,
    tu as tout à fait raison quand tu démontes le terme pro-vie pr le reprendre à ton compte.
    Et je ne trouve pas que ton article soit agressif: il est ferme, maîtrisé, argumenté.

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